Milan est grand. Pour leur douzième finale en Ligue des Champions, les Milanais ont décroché mercredi leur... dixième qualification pour la finale de l'épreuve. La statistique a de quoi laisser pantois. Mais que dire de la performance qui mercredi a permis aux hommes d'Ancelotti de perpétuer cette exceptionnelle tradition de l'excellence. Milan a surclassé Manchester United à un point qu'il était pour tout dire difficile de prévoir à l'aulne du match aller conclu sur un écart d'un petit but à l'avantage des Mancuniens.
Mais une semaine plus tard et l'équipe d'Alex Ferguson, pourtant débarquée en Lombardie armée d'une confiance en elle encore renforcée le week-end dernier en championnat par un renversement de situation improbable à Everton, a volé en éclats à San Siro, dominé dans chaque compartiment du jeu, techniquement et tactiquement avant que les individualités, à l'image d'un Kaka digne d'un Ballon d'or, ne terrassent les Rooney et autres Ronaldo. "Milan s'est comporté ce soir (samedi soir) comme une équipe anglaise. Elle a su presser haut et aller sans cesse de l'avant", commentait à l'issue de la rencontre Gennaro Gattuso. Sans doute mais pas seulement car à cet engagement sans faille, les Milanais auront su ajouter une intelligence tactique hors norme, sceau de toutes les grandes conquêtes rossoneri.
Kaka enflamme le match
Milan se doit de faire le jeu. Et qui mieux que Kaka, bien évidemment, devenu depuis le départ de Shevchenko le dépositaire du jeu milanais, pour montrer la voie aux Milanais! Le Brésilien mord à pleines dents dans cette entame de match et vient défier d'entrée la défense mancunienne. Vidic, préféré à Brown en défense centrale, fait les frais du débordement de Kaka dont le centre-tir à ras de terre est à deux doigts d'être repris par Inzaghi, de retour à la pointe de l'attaque milanaise pour suppléer le fantôme de Gilardino mais le ballon file finalement en corner. Les Rossoneri, malgré la pluie, sont déchaînés et bien décidés à doucher les certitudes adverses, à l'image d'un Clarence Seedorf qui depuis l'entrée de la surface anglaise adresse une frappe colossale qu'Edwin Van der Saar doit dévier aux prix d'une parade exceptionnelle (2e). Quelle entame de match de l'AC Milan!
Des Rossoneri qui ne relâchent pas l'étreinte et mettent sous l'éteignoir les hommes de Ferguson. Une domination qui s'exerce avant tout sur les ailes où la bataille des latéraux tourne largement à l'avantage des Milanais et d'un Massimo Oddo qui arpente la ligne de touche avant de délivrer ce centre pour la reprise instantanée de Kaka qui trouve le gardien néerlandais sur sa trajectoire (5e). Il n'y a qu'une seule équipe sur la pelouse détrempée de San Siro et celle-ci est récompensée quand sur une longue ouverture d'Alessandro Nesta pour répondre à l'appel de Seedorf, qui attire à lui toute la défense des Red Devils, la déviation du crâne du milieu de terrain néerlandais sert Kaka à l'affût aux dix-huit mètres. Le Brésilien ne se pose pas de questions et ajuste une reprise de volée parfaite qui vient se ficher au ras du poteau gauche de Van der Saar (1-0, 11e). Le quart d'heure de jeu n'est pas atteint et Milan a déjà refait son retard du match aller.
Sous ce déluge, qui ne ressemble en rien au crachin du nord de l'Angleterre, Manchester boit la tasse et Ronaldo, son joyau, est sans éclat, pris en tenaille par un double marquage Oddo-Gattuso infernal. Et Milan, qui brille aussi et surtout techniquement sur ce terrain savonnette, s'envole littéralement quand, suite à un ballon perdu par la défense mancunienne sur un corner rossonero, Seedorf est à la récupération à l'entrée de la surface. Le Batave élimine Fletcher et Vidic pour placer une reprise puissante du droit qui ne laisse aucune chance à Van der Saar (2-0, 30e). Manchester est à genoux. Et même Dida, si catastrophique lors du match aller et dont le cas pouvait inspirer les pires inquiétudes dans des conditions pareilles, réussit ses sorties aériennes, comme pour signifier que décidément ce Milan a verrouillé son affaire (38e). Une dernière échappée belle d'Oddo sur son côté droit et un centre à ras de terre pour la reprise d'Inzaghi, non cadrée, donne le frisson aux supporters anglais (42e). Un public mancunien qui, à la pause, n'a sans doute que le souvenir de l'improbable retour d'autres Reds, ceux de Liverpool, en finale de la Ligue des Champions 2005, pour continuer à chanter sans interruption durant le repos.
Gilardino au diapason
Mais à la reprise, c'est bien Kaka qui remet le feu aux poudres. Le stratège milanais dépose une fois de plus le pauvre Vidic, crochète au coeur de la surface son garde du corps qui finit le nez dans le gazon et frappe au but pour une parade de Van der Saar qui prive San Siro d'un des buts de l'année (52e). Manchester se fait violence et tente de réagir comme sur ce bon ballon de Rooney pour décaler Darren Fletcher dont la frappe en bout de course ne trouve pas le cadre (62e). Rooney mène la révolte et aurait pu (aurait dû?) bénéficier d'un penalty pour une charge grossière d'Oddo en pleine surface (64e). Milan souffre et a des difficultés à répondre aux ajustements tactiques de MU. Il faut cette frappe contrée de... Kaka pour stopper cette hémorragie (69e). Mais finalement, ce Milan gère son affaire, tranquille et serein.
Et porte l'estocade par celui qui dans cette équipe de rêve faisait presque tâche à la lumière de ces performances récentes et de saisons quelconque. Alberto Gilardino a remplacé Inzaghi et l'ancien Parmesan, pour le premier but de sa carrière en Ligue des Champions, s'en va sceller d'un duel victorieux face à Van der Saar la victoire lombarde sur un dernier trou d'air de l'arrière-garde mancunienne (3-0, 78e). Manchester est KO et n'a plus que sa frustration à proposer à l'image d'un Ronaldo agressant Seedorf en fin de match. Mais c'est bien Milan qui aura le droit de retrouver Liverpool le 23 mai prochain à Athènes. Les hommes d'Ancelotti ne l'ont pas volé.