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Mahama Coulibaly : «Pourquoi le sport est générateur d’emplois en Côte d’Ivoire»

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Mahama Coulibaly : «Pourquoi le sport est générateur d’emplois en Côte d’Ivoire»

17 October 2019 0

Dans cette entrevue, Mahama Coulibaly, bien connu dans le monde sportif ivoirien et singulièrement au basketball (président Club Sportif Abidjan), président de la Commission marketing de la Can Côte d’Ivoire 2023, diplômé de l’Institut Supérieur de Commerce de Paris option Marketing-Management du sport, parle du sport qui est, de nos jours, source d’emplois divers et générateur de revenus. L’auteur de «Economie du sport et perspective du sponsoring sportif en Côte d’Ivoire », évoque les voies et moyens pouvant permettre à l’Etat, aux fédérations et clubs d’en tirer le plus grand profit. Interview !

Etes-vous d’avis avec ceux qui soutiennent que le sport est devenu une activité économique à part entière ?

Oui ! Le sport est tout à fait une activité économique à part entière. C’est également un média. Quand on prend le sport comme un secteur d’activité stratégique, c’est vraiment une économie à part entière. On parle de l’industrialisation, de “l’événementialisation“ des services et de tout ce qui est produits dérivés. C’est vraiment un écosystème assez complet qui tend à être une économie, un support et un moyen de communication stratégique. On a le sentiment que c’est seulement le sponsoring qui est à la base. Mais c’est une grosse économie, la consommation est assez importante. Et d’année en année, on se rend compte que tout le monde consomme les produits sportifs.

Que voulez-vous dire exactement quand vous affirmez que le sport est un écosystème assez complet ?

Pour être explicite, il faut savoir que le sport, à l’origine, était la mise en relation avec de personnes en vue d’une compétition. C’est une activité physique récréative visant à atteindre un objectif bien précis, sans intérêt financier. C’est au moment où les Grecs, les rois mettaient des gladiateurs en compétition dans les arènes avec au bout du compte une récompense. Et le royaume était content d’y assister. Mais après, on s’est rendu compte que les gens regardent en consommant des produis de sport en payant des frais d’accès aux spectacles, des consommations de produits dérivés. Et, avec les temps modernes, c’est tout ce qui est comme médiatisation, spectateurs et droits télé. Voilà comment, avec l’évolution du temps, le sport est devenu une grosse économie qui influence le monde, l’industrialisation etc. C’est vous dire que désormais, le sport fait partie de la vie de toutes les Nations. Et plus tard, on se rendra compte que, même en termes de développement, relation entre le positionnement d’un pays sur le plan sportif et son développement de façon macro, le développement industriel, les cinq (5) pays les plus puissants du monde sont les plus puissants sur le plan sportif. Cela veut dire que l’économie générale va avec l’économie sportive.

Cela voudrait-il dire que les tiers-mondistes ne pourront guère égaler les pays nantis ?

Si. Ils peuvent le faire parce que foncièrement, il y a des talents innés dans les pays du tiers-monde qui servent à ce positionnement. Les pays industrialisés ambitionnent de casser les barrières de ces talents, pour les avoir avec eux, pour qu’ils prestent chez eux. C’est en cela qu’on voit la fuite des meilleurs talents des pays sous-développés vers l’Europe. Mais l’Afrique peut y mettre fin. Il lui suffit de bien examiner les jeunes dont elle dispose et de définir un plan de travail sur une dizaine, une vingtaine, voire une trentaine d’années avec toutes les garanties qui permettront à ces jeunes sportifs de s’épanouir dans un environnement sain avec les moyens qu’il faut. Par exemple, on a mené une réflexion sur : «Qu’est-ce qui peut amener un pays comme la Côte d’Ivoire pour être dans 5 ans, parmi les meilleurs du monde ? » Pour faire cette évaluation, on regarde l’histoire : quand est-ce que la Côte d’Ivoire a atteint le niveau international ? Ensuite pourquoi ils l’ont fait ? Quel est l’intérêt pour les Ivoiriens à pouvoir motiver un sport donné ? Au terme de ces réflexions, on a constaté qu’il y a l’athlétisme, le football, le basketball, le taekwondo et le handball. Cela, d’autant qu’historiquement, la Côte d’Ivoire est allée plus d’une fois à la Coupe du Monde de football, elle a été plusieurs fois au Mondial de basket, plusieurs médaillés aux Jeux olympiques. Elle a été plusieurs fois au niveau international au handball… A partir de ces résultats, il suffit de définir les moyens et les stratégies lui permettant d’arriver, plutôt que de croire que les choses vont se faire d’elles-mêmes. C’est en ce moment-là que les pays industrialisés réussissent à faire une planification, puis à nous piquer les talents pendant que les Africains restent dans l’émotion.

 Cela sous-entendrait-il qu’en Côte d’Ivoire, l’Etat devrait s’y impliquer, ou alors qu’il a sa part de responsabilité dans ce retard  dans le développement du sport ?

Oui ! Mais attention ! Quand on prend un pays comme l’Angleterre, ce sont des organismes privés qui conseillent l’Etat dans ce plan. Je suis plus pour la promotion des acteurs ivoiriens privés, à pouvoir faire comprendre à l’Etat, l’enjeu de ce positionnement international. Il faudrait plutôt que toutes les expertises ivoiriennes essaient de convaincre le pouvoir politique à assurer cette vision qui permettrait ainsi à l’Etat d’avoir un positionnement à l’international, d’avoir une jeunesse qui bouge et d’avoir une économie locale dynamique. Avec l’appui des experts du sport.

 Qu’est-ce qu’un expert du sport ?

Les experts du sport, ce sont des personnes autodidactes ou issues des écoles et qui ont une expérience et capables de proposer des stratégies durables, bien calculées pour un objectif bien précis. Cela ne veut pas dire qu’il faut avoir un Hec en sport ou la meilleure école de Limoge… On peut avoir fait 10 ans, 20 ans de sport à un certain niveau et proposer un plan viable. C’est une erreur de croire que ce sont les sportifs qui vont permettre au développement intellectuel du sport. Non ! C’est un écosystème, encore une fois. C’est plutôt des propositions stratégiques qu’il faut. Mais le rôle de l’Etat est très important, parce que le sport, c’est la politique en miniature. Donc il va falloir que les différents ministres des sports ou organisations de l’Etat, s’y impliquent.

Comment l’Etat devrait-il soutenir le sport, quelles sont les propositions qu’il devrait faire ?

Déjà, l’Etat soutient un peu le sport avec tout ce qui est parafiscalité et financements des compétitions internationales. Mais je trouve que ce n’est pas suffisant. Les acteurs du sport le savent. Mais il va falloir que le privé intervienne. Mais le privé ne vient pas dans un environnement où il ne gagne rien en retour. Autant l’Etat doit faire des efforts pour augmenter sa contribution, autant les présidents de Fédérations doivent travailler à la bonne gouvernance, à découvrir des pistes de solutions internes et externes pour augmenter leurs ressources financières. Des solutions existent. Et c’est ce qui nous a poussé à écrire le livre «Economie du sport et perspective du sponsoring sportif en Côte d’Ivoire». Que chaque Fédération connaisse sa discipline, sache faire une planification et connaisse également l’économie de sa discipline. Parce qu’il y a des sports qui ne sont pas rentables. Et souvent, on fait l’erreur et on se trompe dans la stratégie de développement de ces sports-là.

Ce développement pertinent que vous faites n’est-il pas une invite à l’endroit de la tutelle et partant de l’Etat, qui doit s’armer de courage pour faire élagage au niveau des disciplines sportives ?

L’Etat doit jouer son rôle de démocratie sportive. Après, il y a un choix stratégique des sports à objectifs au plan national et international qui vont être des leviers de développement. C’est un choix et il faut demeurer là-dessus et l’évaluer pour arriver à des résultats assez probants. A mon humble avis, l’Etat ne peut avoir les moyens pour soutenir toutes les disciplines et les loger à la même enseigne par rapport aux enjeux. Et quand on parle d’économie, c’est la consommation des produits qui en résultent. Je n’ai rien contre les sports dit mineurs. Je ne citerai pas de noms pour ne pas déranger. Mais qui va consommer ces sports sans public ? Quels sont les produits qu’on peut consommer ? Comment est-ce qu’on peut avoir un retour sur investissement après ce que ferait l’Etat ? Mais par contre, quand on prend des compétitions comme le basketball, le football ou le handball, on sait qu’elles drainent du monde, on sait qu’elles peuvent générer des droits télé. Cela crée une économie qui permet d’avoir un retour sur investissement. L’Etat a tellement de prérogatives qu’il aura du mal à financer toujours à perte, une discipline tout en sachant qu’il y a des besoins de santé, de route, de scolarité etc. Donc l’économie du sport ne peut pas être subventionnée à vie, parce que ce type d’économie ne dure pas. Les économies qui montent sont celles qui finissent par s’autofinancer et qui engendrent des bénéfices dont tout le monde en jouit…

Vous dites que l’Etat à d’autres priorités dont la santé. Mais qui dit sport, dit santé. Et pourtant, dans certaines villes de l’intérieur du pays, il n’y a pas d’infrastructures sportives permettant aux populations et singulièrement à la jeunesse de faire du sport…

Il faut faire attention ! L’Etat a une obligation de doter les différentes localités et collectivités d’infrastructures. Il faut stimuler, prospecter, essayer de convaincre tout le monde et dire que le sport et la santé, le sport et la paix sont des valeurs et des vecteurs d’épanouissements. C’est ainsi qu’en Europe, dans les Hlm (Habitation à loyer modéré, ndlr), il y a toujours un espace sportif. C’est une autre politique que l’Etat doit mettre en place. Mais c’est différent de sport et économie.

Le sport est-il pourvoyeur d’emplois ?

Oui ! Le sport est effectivement pourvoyeur d’emplois.

De quels emplois s’agit-il ?

Dans l’économie du sport, il y a ce que j’appelle l’industrie et les services. Ce sont les deux éléments essentiels. L’industrie englobe tout ce qui est équipement de sports, les infrastructures sportives et tout ce qui est comme fabrication. Tous ces éléments créent des emplois, parce pour que pour faire du sport on a besoin de tous ces éléments que je viens de citer. Au niveau des services, la compétition en elle-même crée l’événementialisation et la propension à pousser les populations à consommer ces services-là. Donc pour que cette économie se mette en place, il faut la qualité sportive. Pourquoi le sport est pourvoyeur d’emploi ? En Afrique, c’est possible des usines de fabrication de produits de dérivés sportifs. Toujours au niveau des services, il est possible d’avoir des enceintes sportives qui emploieraient du monde dans la gestion de ces enceintes sportives, par un partenariat public-privé. Et tout le monde est capable de créer des emplois ; que ce soit les opérateurs privés ou l’Etat. Vous parliez d’infrastructures : si l’Etat ne parvient pas à en construire, pourquoi les opérateurs ne financeraient-ils pas des infrastructures multifonctionnelles capables d’employer 10 à 50 personnes ? Est-ce qu’on empêche une entreprise privée, sachant les besoins de consommation, ne serait-ce qu’en maillots, de le faire ? Pourquoi n’existerait-il pas une entreprise privée qui créerait une marque locale, en relation avec l’Office ivoirien des Sports scolaires et universitaires (Oissu), de sorte qu’il y ait cette industrie d’employer plus de 500 personnes ? C’est pourquoi il faut créer le besoin, rencontrer les personnes ressources. Pourquoi n’y aurait-il pas une délocalisation d’une marque mondiale en Côte d’Ivoire ? Maintenant, il va falloir qu’on s’y penche. Que le ministère de tutelle permette aux structures privées de faire des études de faisabilité pour savoir quelles sont les opportunités, plutôt que de penser qu’on peut tout faire. Pour tout faire, il faut faire des études de faisabilité pour connaître les besoins. A ce jour, je puis vous dire que le niveau sportif, en termes de consommation en Côte d’Ivoire, est faible. Par exemple, quand il y a un match de football, combien de personnes partent au stade ? Combien de personnes consomment directement les produits relatifs au foot ?

Qu’est-ce que vous appelez produits, en sport ? 

Les produits, c’est l’achat du ticket d’entrée au terrain, les ventes à proximité qui sont dans de l’informel… C’est toute une professionnalisation des produits au niveau sportif qui devrait se faire. Cela demande de mener une réflexion et de former, de préparer les uns et les autres sur cette consommation des produits pour que les revenus puissent servir la discipline qui aura créé toute cette richesse, directement ou indirectement. C’est ainsi que l’industrie et la création d’emplois se créent au niveau du sport. Et les sponsors font partie des services qui créent de l’emploi. Donc l’écosystème est là, la création de l’emploi aussi. Il faut tout simplement les organiser pour en tirer profit.

Dans le cas d’espèce, l’Asec Mimosas, qui emploie plus de 150 personnes, n’est-il pas un exemple à copier ?

Tout à fait ! C’est un très bon exemple. Et il faudrait que les autres suivent évidemment. En termes de création directe d’emplois dans les associations, je souhaite que les autres clubs fassent comme l’Asec. Et comme vous l’avez dit, c’est un exemple à encourager. L’Asec emploie des enseignants, des jardiniers, des médecins spécialisés en sport, il y a une administration etc. L’Asec a sa radio (Rjn, ndlr), il y a un Directeur général clairement connu etc. A l’Asec, les comptes sont clairement connus. L’Asec Mimosas est un exemple tellement palpable, tellement extraordinaire ! On peut tout dire de l’Asec Mimosas, mais à ce niveau-là, je souhaiterais que les autres fassent comme ce club. A côté de l’Asec, il y a tout de même certains clubs qui le font même s’ils n’emploient pas 150 personnes. Mais il va falloir être à la dimension de l’Asec Mimosas. Parce que plus un club a un patrimoine propre à lui, plus il crée des emplois. Parce que les clubs sont ceux qui créent le spectacle. L’économie du sport part de la fabrication des produits industriels, les acteurs de l’évènement qui peuvent créer de l’emploi. Tout ce qu’il nous faut en Côte d’Ivoire, c’est de se mettre à niveau, de bien observer, de définir une politique d’internalisation du sport et de l’économie, les possibilités de créations d’emplois et solliciter des accompagnements de l’Etat. Parce que derrière, il gagnerait en impôts et la lutte contre la pauvreté. Cela demande spécifiquement (il insiste sur ce vocable), un plan stratégique d’industrialisation du sport à redéfinir.

 La bonne gouvernance que vous évoquiez tantôt, ne devrait-elle pas être en amont de l’économie du sport ? N’y a-t-il pas une sensibilisation à faire au niveau des présidents de Fédérations et des clubs ?

Oui. Mais en fait, c’est un thème qui peut choquer. Je parlerais plus d’accompagnement de tout l’écosystème pour dire : si on agit ainsi, voilà ce qu’on gagnera. Forcément, il faut le faire. C’est une pédagogie, c’est une formation. On a tendance à dire qu’il faut former les acteurs, les arbitres, les joueurs, les entraîneurs. Mais il faut également former les sportifs bénévoles (présidents de Fédérations et de clubs, ndlr) pour qu’ils aient une bonne gestion avec de bons profits. Je prends le cas du football où un dirigeant peut mettre son argent pendant cinq ou 10 ans et quand il reçoit des apports de 15 à 20 millions FCfa après, il finit par dire qu’on ne doit pas lui demander des comptes. Parce qu’il doit se faire rembourser tout ce qu’il a dépensé. Il faut faire comprendre à ces dirigeants que s’ils ont investi 100 millions, ils ne doivent pas automatiquement se faire rembourser les 100 millions, parce que c’est un système de bénévolat. Il faut communiquer pour leur faire comprendre que la bonne gouvernance  doit exister au niveau sportif. Sinon, on va se retrouver avec une absence de moyens, à un découragement de ceux qui donnent les moyens institutionnels.

Interview réalisée par Eugène Djabia pour “Le Temps“

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